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   Spéciation en phase aqueuse de radionucléides innovants en médecine nucléaire

  • Etudes des propriétés chimiques aux ultra-traces
  • Etudes thermodynamiques et cinétiques
  • Radiomarquage

Parmi les isotopes d’intérêt, on trouve l’astate 211 qui est un candidat particulièrement intéressant pour la thérapie compte tenu de l’énergie des particules α qu’il émet et de sa courte période. Le travail réalisé porte sur l’identification des espèces de At et le développement d’outils adaptés à l’étude de ce radioélément rare et « invisible ». Les isotopes 44 et 47 du Scandium ont été identifiés comme prometteurs pour la mise en œuvre de l’immunothérapie β, en complément du couple 64Cu/67Cu. Le 44Sc est le congénère β+ du 47Sc, qui permettra une étude dosimétrique associée à la thérapie au 47Sc ; la paire 44Sc/47Sc sera utilisée comme agent théranostique dans le cadre du développement de la médecine personnalisée. Le travail est associé à la production, aux propriétés de chimie de coordination du Sc et à l’étude du générateur 44mSc/44Sc (chimie et développement pré-clinique). Enfin, les nanotechnologies sont considérées comme une technologie émergente, ayant un impact significatif pour les applications dans le traitement du cancer. Il y a eu un énorme investissement ces dernières années, notamment dans le domaine de l’administration de médicaments anticancéreux et agents de contraste pour l’imagerie. Les nanoparticules en médecine ont montré leur intérêt depuis plus de deux décennies, parce qu’elles présentent des avantages intéressants par rapport aux agents moléculaires.

1. Astate 211At

L’astate 211 est un des candidats prometteurs pour des futurs traitements en thérapie alpha ciblée (TAC). Une double approche expérimentale /théorique a été développée en collaboration avec le laboratoire CEISAM afin d’explorer la chimie de cet élément méconnu. Son diagramme de Pourbaix a été revisité et la réactivité des espèces At(-I), At(I) et At(III) étudiée. C’est un curieux élément puisqu’il présente des propriétés propres aux halogènes, alors que son comportement dans certains milieux le rapproche des métaux. Les outils / méthodologies / compétences développées sont utilisées pour envisager des approches de radiomarquage innovantes en collaboration avec le CRCINA.

2. Scandium 44m/44Sc

Contexte : L’évolution vers une médecine personnalisée conduit l’imagerie médicale à devenir moléculaire à tous les temps de la prise en charge du patient. En cancérologie, l’imagerie doit permettre de détecter les tumeurs et de les localiser avec précision, mais aussi de les caractériser aux plans fonctionnel et phénotypique. Actuellement, la tomographie par émission de positons (TEP) est la technique d’imagerie quantitative non invasive la plus sensible. Elle permet d’étudier et de quantifier in vivo la fixation des traceurs sur les tissus cibles, ce qui permet d’affiner le diagnostic et souvent d’établir un pronostic de réponse aux traitements. Les radiotraceurs actuels ont des limitations: l’imagerie doit être effectuée le même jour que la production de traceur; leur demi-vie (2 h ou moins) peut ne pas être compatible avec l’évaluation de la dosimétrie. Parmi les radionucléides les plus prometteurs, on trouve le 44Sc, avec une demi-vie (T1/2) de 3,97 h et une énergie moyenne β+ de 0,6 MeV idéal pour les caméras PET. Le 44Sc offre un meilleur T1/2 par rapport à 68Ga (T1/2 = 68 min). Son isomère de longue durée 44mSc (T1/2 = 58,6 h) permettra une imagerie plus tardive pour une évaluation plus précise de la distribution et des doses absorbées. De plus, le 47Sc (T1/2 = 3,35 j) peut être utile pour la radiothérapie ciblée et pourrait également être utilisé pour l’imagerie SPECT. Par rapport au 89Zr (T1/2 = 3,3 j) actuellement envisagé pour son fort potentiel en immuno-PET, le principal inconvénient est sa chimie de coordination qui nécessite des ligands spécifiques, différents de ceux utilisés avec des radio-isotopes thérapeutiques. Ainsi, le 44/44mSc couplé au 47Sc est très attrayant pour le développement d’agents théranostiques.

  • Le travail concerne la production du 44mSc/44Sc : ciblerie, extraction et purification, étude de l’effet de l’énergie de recul et du «post-effect» sur le complexe 44mSc-DOTA dans le but de concevoir un générateur in vivo de 44mSc/44Sc. Nos travaux ont mis en évidence que la meilleure cavité chélatante du scandium est le DOTA. Aussi, le radiomarquage du DOTA avec le couple 44mSc/44Sc a été optimisé à travers une étude physico-chimique systématique (cinétique, pH, température, rapport métal-ligand). La transition 44mSc / 44Sc ne conduit pas à un décrochage du scandium vers la phase aqueuse. Des peptides conjugués au DOTA (DOTATOC, DOTATATE, IMP-288 …) ont été étudiés. Les constantes d’interaction entre les protéines et le scandium doit être déterminées afin de pouvoir prédire leur spéciation in vivo. Un couplage CE-ICP-MS a été développé et testé avec succès pour les actinides trivalents et des ligands polyamicopolycaroxyliques. L’étude de ces peptides permet également d’obtenir une réponse biologique (biodistribution, premières images TEP…) sur la faisabilité du générateur. Enfin, le développement de cibles de scandium de plus haute activité est indispensable. Il nous permet dans un premier temps, de valider le concept de générateur in vivo, en étudiant la chimie sous rayonnement lors des différentes étapes d’extraction et de purification (notamment sur les résines échangeuses). De plus hautes activités rendent possibles les injections chez le petit animal (images TEP et biodistributions) et les études pré-cliniques pour ce nouveau radiopharmaceutique.
  • Par ailleurs, les protéoglycanes (PGs), composants structuraux de la matrice organique osseuse, sont particulièrement impliqués dans la régulation de l’activité biologique des cytokines et dans leur biodisponibilité. De ce fait, les glycosaminoglycanes (GAGs), composant des PGs, ont une importance majeure dans les processus liés au développement et à la progression tumorale. Parmi les patients atteints de cancer, nombre d’entre eux ont de grands risques de présenter des complications de type thromboembolique qui nécessitent un traitement à base d’héparine. Ainsi, de nombreuses études ont montré que l’héparine affecte la formation des métastases, mais la limitation reste le risque de contamination par les prions. Des molécules mimétiques de l’héparine pourraient être utilisées comme composés anticancéreux. Des exopolysaccharides (EPS) exploités à des fins thérapeutiques mais aussi pour comprendre la survenue et la progression de certaines pathologies pourraient être envisagés comme sonde et vecteur radiopharmaceutique. Les fucoïdanes, autres molécules glycosylées d’origine marine, ont montré leur potentiel à complexer des radionucléides soit à des fins d’imagerie, soit à des fins thérapeutiques. L’enjeu de ce travail est donc d’évaluer le couplage de ces EPS d’intérêt avec le scandium. Le travail réalisé a permis d’établir un protocole de caractérisation des EPS (taille et distribution en taille, conformation, état de charge, constantes de protonation …). Nous avons mis en évidence la formation de complexes ayant différentes stœchiométries. Les constantes d’interactions sont en cours de détermination. Les EPS sont issus de la souchothèque d’Ifremer.

 

3. Les nanoparticules

3.1 Nanoparticules multimodales

Des nanoparticules à base de gadolinium (Gadolinium Based Nanoparticles – GBN) peuvent être détectées par imagerie et peuvent être aussi utilisées comme agents radiosensibilisants dans le traitement des cancers. Les GBN constituent en fait une plate-forme chimique comportant des atomes de terres rares (gadolinium) et une coque de polysiloxane qui peut être utilisé pour coupler des étiquettes spécifiques ciblant les cellules cancéreuses. Des progrès récents ont permis d’obtenir des nanoparticules nouvelles, dont les propriétés pharmacocinétiques sont largement améliorées grâce à une maîtrise de leur taille et de leurs interactions avec les milieux vivants. La dernière génération de nanoparticules est appelée « petites plates-formes rigides » (Small Rigid Plateform SRP), constituées d’une dizaine de molécules de DOTA greffées sur un réseau de polysiloxane. Idéalement, ces composés doivent se comporter comme des agents de contrastes et des agents thérapeutiques classiques. Ce travail a permis de déterminer la capacité complexante de ces objets vis-à-vis du Gd mais aussi des différents radionucléides envisagés tels que 44Sc, 64Cu, 68Ga. Mais l’essentiel de ce travail a porté sur une caractérisation physico-chimique complète (cinétique, pH, température, stoechiométrie, milieu réactionnel …) de la complexation à la fois du gadolinium et des radionucléides proposés. La caractérisation de la taille de ces nanoparticules ainsi que leur distribution de taille, qui est un paramètre important pour la pharmacocinétique, a été effectuée. Pour les trois radionucléides considérés, des rendements en radiomarquage de 60% à 100% ont été atteints, sans autre purification à ce stade. Des activités spécifiques élevées pourraient être réalisables pour tous les pourcentages de DOTA greffés gratuitement à la surface des nanoparticules AGuIX considérées. Ce travail a été réalisé dans le cadre d’une collaboration établie avec l’Université de Lyon 1 (Claude Bernard).

3.2 Nanoparticules/microsphères pour la thérapie

La curiethérapie ou brachythérapie est une technique de traitement du cancer consistant à déposer une source radioactive au contact ou au sein de la tumeur de manière à cibler directement la zone atteinte par le cancer. À titre d’exemple, aucun traitement n’a encore été trouvé pour le glioblastome, une tumeur maligne primaire du cerveau. Des nanoparticules vecteurs d’atomes radioactifs (rhénium-188) sont proposées pour éliminer les cellules tumorales laissées en place après chirurgie d’exérèse. Dans le travail que nous avons conduit, des microparticules à base d’oxyde d’Holmium enrobées de polysiloxane d’une taille de l’ordre du micromètre ont été sélectionnées pour cette application. Ces suspensions sont considérées comme des dispositifs médicaux. Le choix des indications ciblées en priorité au cours de ce projet est basé sur des considérations précliniques, règlementaires et d’accès au marché. Les techniques de A4F permettront de s’assurer de l’intégrité (ou non) de l’ensemble de ces nanoparticules. En vue de proposer des outils et des indicateurs pour le développement de ces objets en phase clinique, tout un arsenal de caractérisations physico-chimique a été développé (zéta, microscopies, DLS, ATG …). Ce travail a été réalisé en collaboration avec des industriels (Advanced Accelerator Applications, Nano-H, Gi-Pharma), et les Universités de Limoges et Lyon I.

Figure 1 : Caractérisation de nanohydrogels pour l’IRM par A4F et AFM.

3.3 Nanohydrogels pour l’imagerie IRM

Des nano-hydrogels à base de biopolymères, pour l’encapsulation de chélates de Gadolinium ont été synthétisés par l’Université de Reims. Ces nano-hydrogels permettent d’exalter les propriétés de contraste en IRM de ces chélates. Ces nanogels sont actuellement exploités dans le cadre d’un projet Euronanomed (Gadolymph) dans un but d’imagerie du système lymphatique. Ceci implique de contrôler tant que possible la taille des nanogels et de la restreindre en dessous des 100 nm. La technique de caractérisation usuelle des nanogels (DLS) semble surestimer leur taille, comme cela a pu l’être montré par des mesures de microscopie AFM en mode liquide par les équipes travaillant sur cette thématique au sein de l’Université de Reims. Les travaux développés depuis quelques années sur les nanoparticules ont permis d’acquérir une expertise en matière de caractérisation de macromolécules et nanoparticules par la technique AF4 couplée à une détection MALS. Le couplage AF4/MALS permet de trier les objets selon leur taille, en amont de leur détection par mesure de l’intensité de leur lumière diffusée sous différents angles incidents. Cette méthodologie est donc particulièrement bien adaptée à la caractérisation de nano-objets (liposomes, nanoparticules inorganiques par ex.). Elle a demandé une mise au point dans le cas de nanogels. Ainsi, une collaboration avec l’Université de Reims a permis de compléter la caractérisation actuelle des nanohydrogels (DLS, AFM liquide) par AF4/MALS de façon i) à mettre en place une approche d’étude morphologique multi techniques, pour ii) estimer au mieux la taille des nanoparticules avant leur injection chez l’animal, et iii) discriminer parmi toutes les formulations existantes les plus adéquates en termes de taille.