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Trois questions à Jean-François Gestin (laboratoire CRCI2NA à Nantes, France), porteur de l’action COST NOAR (Network Optimized Astatine labeled Radiopharmaceuticals) financée par l’Union Européenne.

JF Gestin COST NOAR

 

 

 

 


Les membres du COST NOAR se sont réunis à Coïmbra début mai 2023. Quelle était l’ambition de cette rencontre?

L’objectif de cette rencontre, qui a réuni plus de 100 personnes, était de faire le point sur les résultats obtenus dans le cadre de l’action NOAR après deux années et demi d’activité, au regard des objectifs que nous nous étions fixés à l’automne 2020 : créer un réseau d’acteurs académiques européens engagés dans la recherche et le développement de l’astate 211 pour la médecine nucléaire ; développer les liens avec les industriels ; fournir la preuve de concept de l’utilisation de l’astate 211 en clinique à travers le lancement d’un essai de phase 1. Les deux premiers objectifs ont d’ores et déjà été atteints. Le 3ème pourrait l’être aussi si la société Atonco, qui vient d’annoncer à Coïmbra qu’elle lancerait début 2024 un essai clinique de phase 1, arrive à ses fins.

Un réseau mondial baptisé WAC (World Astatine Community) a récemment vu le jour. De quoi s’agit-il ?
Le WAC a été officiellement lancé fin février 2023 à l’occasion du 12th International Symposium on Targeted Alpha Therapy (TAT 12) à Cape Town en Afrique du Sud. Il résulte d’une volonté des membres du COST d’étendre la communauté à l’échelle mondiale. Le Department Of Energy (DOE) aux Etats-Unis, le Japanese Atomic Energy Commission (JAEC) au Japon et les collègues d’Afrique du Sud nous ont rejoints. Ce réseau élargi a pour but de favoriser l’accès aux connaissances et aux expertises autour de l’astate 211, à l’échelle mondiale. A terme, c’est-à-dire après la fin du COST NOAR, il pourrait prendre sa suite. C’est même souhaitable car la communauté autour de l’astate 211 est en pleine expansion, avec un nombre croissant de chercheurs et d’industriels qui s’intéressent à tous les maillons de la chaîne qui mène à l’utilisation de l’astate 211 en médecine nucléaire, depuis la production jusqu’aux essais cliniques. Nous avons également réussi à intéresser l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), NMEU (Nuclear Medecine Europe) et le réseau européen PRISMAP. Le modèle du WAC reste à définir. L’US DOE a son propre financement, de même que le JAEC au Japon. Tous les deux accepteraient d’être regroupés sous une entité commune portée par un acteur européen, ce qui permettrait de financer des actions communes. En revanche, la question du financement de la partie européenne du réseau n’est pas encore résolue.

Quelles seront les prochaines étapes ?
Nous allons continuer à œuvrer pour développer l’astate-thérapie en Europe et dans le monde, à travers le COST NOAR jusqu’au 31 octobre 2024 et je l’espère, au-delà. A ce jour, le réseau NOAR compte plus de 130 membres issus de 22 pays et pas moins de 14 industriels (onze d’entre eux étaient présents à la rencontre de Coïmbra). L’engouement actuel autour de l’astate 211 est une réalité. Le réseau européen est maintenant bien identifié. Nos partenaires voient que les acteurs académiques vont bientôt réussir à résoudre les problèmes de logistique et de production d’astate pour la médecine nucléaire. L’étape suivante consiste à installer un premier centre intégré d’astate thérapie, idéalement en Europe, pour montrer que cela fonctionne. Puis à soutenir l’implantation d’un réseau de « nœuds d’astate », qui associent sur une même zone un cyclotron pour produire l’astate 211, un centre de radiopharmacie, un centre clinique pour l’injection du radiopharmaceutique aux patients, des équipements adaptés pour traiter les déchets et dans le meilleur des cas également un centre d’imagerie. Tout cela dans un périmètre géographique compatible avec la demi-vie de l’At et qui permette de proposer cette modalité thérapeutique à un bassin de population conséquent. Pour couvrir nos ambitions cliniques en Europe, il en faudrait six. Le projet de Jüllich en Allemagne est très intéressant et sera bientôt opérationnel. Il y a aussi Polatom en Pologne, Arronax en France, les installations de Copenhague et peut-être un jour un nœud à Coïmbra. Dans l’idéal, il en faudrait un autre dans la région des Balkans. Le développement de ces installations va demander des moyens financiers. Le WAC sera là en soutien pour le partage d’expériences, le transfert de compétences, l’animation scientifique.

Contact : Jean-François Gestin