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L’astate-211 est un noyau radioactif émetteur de particules alpha. Sa période est de 7,2 h.

Du fait de sa masse élevée (4 uma) et de sa charge élevée (Z=2), une particule alpha interagit fortement avec la matière amenant une dépôt linéique d’énergie important sur une courte distance. Cela permet d’envisager la destruction d’une cellule cancéreuse grâce à l’action de quelques particules alpha seulement. Le faible parcours de ces particules dans la matière, entre 50µm et 100µm suivant leur énergie, permet de plus de limiter l’irradiation des cellules saines environnantes. L’utilisation d’émetteurs alpha est notamment envisagée pour la destruction des cellules circulantes ou le traitement de la maladie résiduelle.

Pour produire l’astate-211, nous avons choisi d’utiliser la réaction (α,2n) sur le bismuth-209 :

α + 209Bi → 211At + 2n

La probabilité pour que cette réaction ait lieu est présentée sur la figure 1. On voit que la section efficace est maximum pour une énergie de 30 MeV environ (courbe verte). Cependant, à partir de 28,6 MeV, la réaction (α,3n) débute, produisant l’astate-210 (courbe rose). C’est un contaminant dont on cherche à minimiser la production il décroit vers le polonium-210 (élément radioactif avec une période longue qui se fixe naturellement sur les os). Il est donc indispensable d’avoir des particules alpha d’énergie inférieure à 29 MeV.


Figure 1 : Évolution de la section efficace de production en fonction de l’énergie des projectiles :
en vert, la courbe pour l’astate-211 et en rose, celle pour l’astate-210.

La valeur précise de l’énergie permise fait encore débat car le niveau d’astate-210 toléré n’est pas encore correctement documenté (comme le précise Paracelse, « rien n’est poison, tout est poison, c’est juste une affaire de quantité »). Nous travaillons avec un rapport At-210/At-211 <1E-3.

Cependant, l’énergie du faisceau de particules alpha délivré par le cyclotron Arronax est trop importante (68 MeV). Il faut donc la réduire en utilisant un dispositif de dégradation de l’énergie. Ce dispositif, développé en collaboration avec le laboratoire Subatech, consiste en un disque de graphite refroidi à l’eau dont l’épaisseur a été optimisée (cf. figure 2). Il permet de réduire l’énergie à 28,6 MeV. Il est actuellement limité à un courant de 20 µA sur cible, sachant qu’il amène une perte d’environ 25% des projectiles.

Figure 2 : Dégradeur en graphite utilisé pour réduire l’énergie des particules alpha permettant la production d’astate-211. A gauche, le disque de graphite; au milieu, le disque installé dans le support en aluminium assurant le refroidissement; à droite, le système d’insertion dans la ligne d’irradiation.

L’irradiation se fait dans les stations IBA avec des navettes adaptées dans lesquelles la cible est inclinée à 15° par rapport à l’horizontale.

Préparation des cibles

Les cibles de bismuth utilisées pour la production d’astate-211 sont obtenues par la technique de dépôt sous vide. Cette dernière permet d’obtenir des dépôts homogènes de plusieurs dizaines de µm (jusqu’à 100µm) avec une très bonne homogénéité sur des surfaces importantes (jusqu’à 14 cm2). Sur la figure 3, on peut voir, à gauche, une cible c’est-à-dire le bismuth sur son support céramique et, à droite, l’évolution de l’épaisseur en fonction de la position sur la cible.


Figure 3 : cible de bismuth sur son support céramique (à gauche) et
évolution de l’épaisseur sur une tranche de la cible réalisée à l’aide d’un profilomètre (à droite).

 

Extraction et purification

Une fois l’irradiation réalisée, on extrait l’astate-211 à l’aide d’une méthode de distillation par voie sèche. On utilise le fait que la température de sublimation de l’astate est inférieure à celle du bismuth et des autres contaminants potentiellement présents dans la cible. On chauffe ainsi la cible à 800°C. A cette température, le bismuth devient liquide ce qui permet de libérer l’astate qui lui se retrouve sous forme gazeuse. A l’aide d’un gaz neutre, on entraine l’astate vers l’extérieur du four et on le condense en sortie dans le capillaire placé à -45°C. La figure 4 montre l’évolution au cours du temps de l’activité d’astate-211 condensé dans le capillaire. L’ensemble du processus est très rapide : quelques dizaines de minutes seulement. Le rendement obtenu avec cette méthode est supérieur à 80%.

Figure 4: four dans lequel la cible est placée pour réaliser la distillation permettant l’extraction de l’astate-211 (à gauche) et évolution de l’activité extraite en fonction du temps (à droite).

L’astate-211 est produit de manière régulière dans notre installation depuis 2014. Cela a permis à nos partenaires de réaliser des études originales, que ce soit en chimie fondamentale sur les propriétés de l’astate-211 (laboratoires Subatech et Ceisam) ou sur de nouvelles méthodes de radiomarquage (CRCINA), avec plusieurs brevets à la clé. Le CRCINA a aussi réalisé de nombreuses études précliniques démontrant l’efficacité de la radiothérapie ciblée alpha dans les hémopathies.

Les références des publications associées à ces travaux sur l’astate sont listées dans la rubrique « Nos publications« .
Voir aussi l’actualité « Quinze années de travaux nantais sur l’astate » publiée en décembre 2021.