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Le cuivre-64 est un isotope radioactif du cuivre qui a une période de 12,7 h. Son schéma de décroissance radioactive est représenté sur la figure 1.


Figure 1: schéma de décroissance du Cu-64.

On constate que le cuivre-64 décroit par:

  • émission de positrons dans 17,52% des cas. Cela permet d’envisager son utilisation en imagerie pour la tomographie d’émission de positrons (TEP). Son rendement d’émission de positrons est près de 5 fois plus faible que celui du fluor-18. Cependant, l’énergie des positrons émis est faible, comparable à celle du fluor-18, permettant une bonne résolution des images obtenues. Il n’y a pas de rayonnement gamma de haute énergie émis lors de sa décroissance. La chimie du cuivre est bien connue et riche, ce qui ouvre de nombreuses pistes pour son radiomarquage.
  • émission β- dans 38,48% des cas. L’émission d’un électron est réalisée pour chacune de ces décroissances. L’énergie de chaque électron émis est différente.
  • capture électronique dans 44% des cas. Des électrons sont émis mais leurs énergies sont spécifiques puisque dépendantes des niveaux d’énergie des électrons du cortège électronique.

Compte tenu de ces différents modes de décroissance et du fait de la présence d’un autre radionucléide du cuivre émetteur β-, le Cu-67, le Cu-64 est pressenti pour les utilisations suivantes :

  • imagerie TEP avec des vecteurs ayant des temps d’équilibration de quelques heures (peptides, fragments d’anticorps)
  • imagerie TEP de l’hypoxie (Cu-ATSM ou traceurs de la famille cyclen/cyclam)
  • calcul dosimétrique pré-thérapeutique pour la paire de radioisotopes Cu-64/Cu-67 (émetteurs de positrons et bêta-), dans le cadre d’une approche theranostique.
  • thérapie ciblée au Cu-64 compte tenu du fait qu’il y a émission d’au moins un électron ou un positron par décroissance.

Un produit clinique utilisant le Cu-24 a été validé par la Food and Drug Administration (FDA) aux USA pour l’imagerie des tumeurs neuroendocrines. D’autres produits sont à l’étude, notamment pour l’imagerie du cancer de la prostate utilisant du PSMA.

Production du Cu-64 à Arronax

Compte tenu des caractéristiques des faisceaux disponibles, nous avons décidé de produire le Cu-64 en utilisant un faisceau de deutérons de 16 MeV. La réaction nucléaire utilisée est :

d + 64Ni → 64Cu + 2n

Sur la figure 2, sont représentées la courbe de section efficace de production de cette réaction ainsi que celle associée à la voie de production plus traditionnelle utilisant des protons comme projectiles.

Figure 2 : Sections efficaces de production du cuivre-64 pour les protons (à gauche) et les deutérons (à droite) interagissant sur une cible de nickel-64.

Outre le fait de disposer directement de ce faisceau à cette énergie en sortie de l’accélérateur, le choix des deutérons permet d’avoir un rendement de production plus élevé qu’avec des protons. En effet, on voit sur la figure 2 qu’avec les deutérons, la valeur du maximum de la section efficace est plus élevée et que la plage en énergie est plus large.

Préparation des cibles

Les cibles sont obtenues par électrodéposition de nickel-64 (Ni-64) enrichi sur un support en or. Le taux d’enrichissement de Ni-64 utilisé est de 99,2% (le Ni-64 n’est présent qu’à hauteur de 0,0255% dans le nickel naturel). Les cibles ont une épaisseur variant de 10 à 30 µm de manière à tirer parti du maximum de la section efficace.

Figure 3: Cible de nickel-64 enrichie sur son support en or réalisée pour la production de Cu-64.

L’irradiation se fait dans les stations d’irradiations IBA avec des navettes adaptées dans lesquelles la cible est inclinée à 15° par rapport à l’horizontale. Une irradiation typique dure 1 nuit avec un faisceau de deutérons de 16 MeV et une intensité de 90 µA sur cible.

Extraction et purification

A l’issue de l’irradiation, la cible de Ni-64 est dissoute. La solution obtenue est ensuite passée dans un ensemble de colonnes de chromatographie afin d’isoler le Cu-64 produit ainsi que le Ni-64 qui est recyclé pour fabriquer de nouvelles cibles.

A l’issue de chaque production, un contrôle qualité est réalisé de manière à s’assurer de la conformité du produit aux exigences pharmaceutiques. Les principales caractéristiques e ce contrôle sont :

  • la pureté radionucléidique > 99,90%
  • la concentration radioactive > 890 MBq/mL
  • l’activité spécifique vis-à-vis du cuivre stable > 10 MBq/nmol

La production en qualité radiochimique est maintenant opérationnelle à raison de deux productions par mois. Elle alimente les programmes de recherche de nombreux laboratoires en France, notamment au sein du LabEx IRON.

La production en qualité radiopharmaceutique a débuté en janvier 2019 au sein de l’antenne de la pharmacie à usage interne du CHU de Nantes (APUI), avec un essai clinique ouvert concernant la TEP-64Cu-ATSM-Rectum  et visant à évaluer l’efficacité de la tomographie par émission de positons au 64Cu-ATSM pour prédire la réponse au traitement néo-adjuvant par radio-chimiothérapie standard chez des patients ayant un cancer du rectum localement avancé.